Mariages et Covid19 : comment gérer les conséquences de la crise sanitaire sur les mariages prévus en 2020 ?

Informations liminaires et état de la situation au 22 avril 2020

Nous tenons à réaffirmer que nous comprenons parfaitement l’impact de cette crise sanitaire sur la santé économique de nos clients. Nous la comprenons d’autant plus que nous en sommes également fortement impactés.

Néanmoins, les conditions permettant d’invoquer un cas de force majeure ne sont pas systématiquement remplies. En effet, la force majeure exige que l’une des parties à un contrat soit véritablement empêchée d’exécuter ses obligations contractuelles. Cela n’est donc pas forcément le cas lorsque nous proposons de maintenir nos prestations ou bien de les reporter d’un commun accord.

Une analyse au cas par cas doit ainsi être menée en fonction notamment de la date de l’évènement et selon l’état de la crise à date. 

Nous avons néanmoins pleinement conscience que l’épidémie du covid-19 était parfaitement imprévisible et qu’elle a pu rendre l’exécution de votre obligation de paiement plus complexe, plus onéreuse.

Face à cette circonstance exceptionnelle, nous sommes évidemment prêts à discuter des impacts que les mesures prises par le gouvernement sont en train d’avoir sur les évènements à venir et nous tenons naturellement à votre disposition pour échanger.

Suite à l’annonce de la prolongation du confinement jusqu’au 11 mai 2020, se pose naturellement la question du sort des évènements prévus au printemps ou à l’été 2020. 

Des incompréhensions peuvent alors naître vis-à-vis avec des prestataires initialement choisis comme le témoignent les nombreux témoignages sur les réseaux sociaux. 

Une compréhension des problématiques juridiques mais aussi humaines mises en cause en cette période difficile est nécessaire afin de rétablir le lien de confiance indispensable entre des professionnels en difficulté et des mariés inquiets de devoir modifier leurs projets.

Cette page est rédigée à partir des conseils de juristes et avocats spécialisés en droit des affaires contactés spécifiquement sur ce sujet ainsi que des indications et témoignages de confrères photographes et prestataires travaillant dans le monde du mariage. 

Face à cette crise sanitaire, l’objectif est avant tout de trouver des solutions raisonnables qui permettent d’allier l’intérêt des futurs mariés et la protection des prestataires.  . 

Elle sera actualisée régulièrement en fonction de l’évolution de la situation et de la mise en œuvre effective du déconfinement

D’un point de vue contractuel, les questions qui se posent sont de savoir si le Covid19 constitue réellement un cas de force majeure de nature à suspendre l’exécution des obligations de chacune des parties à un contrat et quel serait le sort des éventuels acomptes déjà versés ?

LA FORCE MAJEURE FACE AU COVID19

Le ministère de l’économie a confirmé́ le 28 février 2020 que le coronavirus est considéré́ comme un cas de force majeure pour les entreprises, en particulier au regard des marchés publics de l’état.

Une telle affirmation n’a pas été étendue explicitement aux contrats de droit privé.

Peut-on pour autant affirmer que, pour les contrats commerciaux qui ont vocation à s’exécuter en France, les parties peuvent suspendre leurs obligations ou résoudre le contrat de plein droit sur ce fondement ?

Selon l’article 1218 du code civil :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 ».

En d’autres termes, 4 conditions doivent être réunies pour être en présence d’un cas de force majeure susceptible d’être invoqué au cours de l’exécution d’un contrat.

L’évènement doit échapper au contrôle du débiteur de l’obligation 

Dans le cas du Covid-19, il est évident que l’épidémie échappe totalement au contrôle des parties. La première condition est donc indiscutablement remplie.

L’évènement ne doit pas être prévisible au moment de la conclusion du contrat 

Le caractère prévisible de l’épidémie de Coronavirus va dépendre de la date de signature du contrat avec le prestataire. Il semblerait en effet que cela soit uniquement le cas pour les contrats conclus avant le 30 janvier 2020, date à laquelle l’Organisation Mondiale de la Santé a qualifié l’épidémie d’urgence de santé publique. Depuis cette date, le critère de l’imprévisibilité est plus discutable, mais peut être toujours démontré dans la mesure où des mesures de prévention dans certaines zones géographiques (confinement de la population, interdictions des rassemblements d’une certaine ampleur, interdiction de voyager) ont été prises à compter de la mi-mars 2020.

L’idée est donc de déterminer si les mesures prises étaient prévisibles ou non à la date de la conclusion du contrat.

Si le contrat est antérieur à l’adoption des mesures, la condition d’imprévisibilité serait a priori remplie.

Si le contrat est postérieur, cela sera davantage discutable.

Les effets de l’évènement ne peuvent être évités par des mesures appropriées 

Ici, une analyse au cas par cas est requise.

Il conviendra en effet d’analyser si les effets de l’épidémie (fermeture des établissements scolaires, des commerces, restaurants, les mesures de confinement, l’interdiction des rassemblements) ne peuvent être évités par des mesures appropriées (ex : formation à distance, livraison à domicile…).

Dans l’hypothèse d’évènements prévus post confinement, et sous réserve des évolutions règlementaires à venir, des ajustements appropriés sont toujours possibles tant pour le prestataire que pour les mariés (baisse du nombre d’invités, mise en place de mesures barrières …). Ce critère est donc plus discutable selon la date à laquelle les parties à un contrat souhaitent invoquer un cas de force majeure et selon l’état réel de crise.

L’exécution de l’obligation doit être empêchée.

Une analyse au cas par cas est également requise ici, en fonction du type de prestations fournies.

Pour les mariages prévus à partir du 11 mai 2020 et sous réserve des évolutions gouvernementales, l’obligation des parties n’est pas en tant que telle empêchée et ce sont uniquement les possibilités pour les parties de s’organiser en amont qui sont réellement affectées (invitations, planifications etc.). 

En définitive, annuler un mariage prévu entre le 11 mai et la mi-juillet sur le fondement de la force majeure (date à laquelle des événements seront probablement autorisés à nouveau) relève d’une zone grise laissée à l’interprétation purement discrétionnaire des juges. Il n’existe pas de solution unique et nous devons donc attendre que les tribunaux se prononcent concrètement sur la situation.

Compte-tenu de la nature manifestement incertaine de la notion de force majeure, il est vivement recommandé de trouver une solution amiable avec son cocontractant. Une analyse précise de chaque situation est nécessaire avant d’invoquer hâtivement un cas de force majeure pour se délier de ses engagements contractuels.   

Dans le secteur du tourisme, une ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux « conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure » a d’ailleurs précisé que « l’organisateur ou le détaillant peut proposer, à la place du remboursement de l’intégralité des paiements effectués, un avoir que le client pourra utiliser (…) ». 

Cela démontre qu’il est difficilement possible d’affirmer que tout contrat doit être purement et simplement résolu mais qu’il convient en revanche de trouver des solutions alternatives et innovantes.

Là encore, la bonne foi doit nécessairement guider les cocontractants dans les discussions autour de cette crise et les inciter à privilégier la voie amiable, les tribunaux y attachant une importance non négligeable en cas de contentieux. 

QUID DES ACOMPTES EN PERIODE DE COVID19 ? 

Conformément à la réglementation applicable, l’acompte correspond à une somme d’argent remise lors de la conclusion d’un contrat.

Néanmoins, ce versement ne comporte aucune faculté de dédit à l’inverse d’arrhes. Autrement dit, il n’existe pas de possibilité de revenir sur l’engagement ainsi donné.

L’acompte ne permet donc pas à un acheteur de renoncer à exécuter sa part du contrat en abandonnant purement et simplement la somme remise au vendeur.

Contrairement aux arrhes, l’acompte traduit une irrévocabilité de l’accord avec le versement de ladite somme et les parties sont tenues d’exécuter strictement le contrat conformément au principe de la « force obligatoire du contrat ».

La vente ou la prestation de services est alors définitive dès le premier versement d’acompte et aucune des deux parties ne peut se dédire sans s’exposer à une action en exécution forcée ou en dommages-intérêts.

Si une partie dispose donc de la possibilité d’agir à l’encontre de l’autre partie qui refuse de s’exécuter, la situation n’est pas si simple en période de crise sanitaire. 

Se pose ainsi la question de déterminer si le Covid19 permet de réunir les conditions précitées pour prétendre à une suspension de ses obligations conformément aux effets de la force majeure et obtenir une restitution. Cette appréciation doit naturellement tenir compte de la date à laquelle l’évènement est censé avoir lieu afin de mesurer l’impact réel de la crise sur ses engagements contractuels. 

Là encore, le ministère de l’économie fait preuve de prudence dans la qualification de la situation : 

« Attention cependant, la situation actuelle, totalement inédite, ne garantit pas pour autant que la force majeure pourra être retenue. Pour pouvoir valablement invoquer la force majeure, le titulaire devra démontrer qu’il ne dispose d’aucun autre moyen pour exécuter la prestation (adaptation des conditions de travail, source d’approvisionnement alternative, etc.) et qu’il existe un lien de causalité entre l’inexécution et l’épidémie ».

Ci-joint pour davantage d’informations sur le sujet : FAQ du ministère de l’économie

Compte-tenu des incertitudes sur ce sujet et de la possible complexité des restitutions entre les parties, il est encore fortement recommandé de privilégier des renégociations avec son prestataire (report d’évènement, réorganisation etc.) et éviter de basculer sur un contentieux qui nuirait nécessairement aux intérêts des cocontractants, tant d’un point de vue financier que moral.    

UNE CRISE TERRIBLE POUR LES PROFESSIONNELS DU MARIAGE

A date, la situation actuelle est profondément préjudiciable pour tous les photographes spécialisés dans le mariage et pour la plupart des prestataires. Cela fait maintenant plus d’un mois que les mariages ne sont plus célébrés et Édouard Philippe l’a annoncé, la vie ne reprendra pas comme avant après le 11 mai.

La plupart des photographes de mariage travaillant de façon artistique et ayant une démarche qualitative se consacrent à plein temps à leur activité. Les prestations liées de près ou de loin au mariage (reportages, mais aussi séances couple, photos de famille, etc.) représentent une part très importante dans nos chiffres d’affaires. Toutes ces activités sont aujourd’hui interdites et nous sommes donc face à des revenus quasi-nuls à une période qui marque d’habitude le début de la pleine saison.

La plupart des mariages prévus entre le 15 mars et le 11 mai ne sont pas annulés mais reportés. Il est important de comprendre qu’un report sur une date de haute saison (les samedis d’avril à octobre, les vendredi et dimanche de mai à septembre) a exactement les mêmes conséquences pour un professionnel qu’une annulation et que même un report hors saison reste impactant financièrement.

Enfin, il faut noter que la plupart des photographes, mais aussi des vidéastes de mariage, sont des micro-entreprises sans aucun filet de sécurité et que les aides mises en place actuellement restent malheureusement très insuffisantes et loin d’être accordées à tous. Pour beaucoup d’entre nous, la crise actuelle remet totalement en cause la pérennité de notre activité pour les prochaines années.

DES MARIÉS DEVANT FAIRE FACE À UNE SITUATION FORTEMENT PERTURBANTE

Se marier en 2020 s’avère, au bas mot, bien plus compliqué que prévu depuis l’arrivée du virus sur le territoire français. Si votre mariage était prévu entre le 17 mars et le 11 mai 2020, celui-ci est devenu par la force des choses impossible à célébrer. Nous sommes confinés à la maison, sans pouvoir sortir sans raison valable et les mariages ne sont plus célébrés, ni à la mairie, ni à l’église, la synagogue ou tout autre édifice religieux.

Nous avons tous conscience que la vie ne va pas reprendre soudainement son cours comme avant le 11 mai prochain. Il y aura sans doute une période de transition, encore incertaine de l’avis même des mairies et préfectures contactées récemment. Il est donc normal que les mariés du mois de mai soient dans l’incertitude quant à la possibilité de maintenir ou non leur union. L’annonce de Franck Riester sur France Inter évoquant la possible tenue de petits festivals dès la sortie du confinement amène à un raisonnable optimisme concernant les mariages en mai et en juin, mais sans véritable certitude malheureusement. Il est donc compréhensible pour les mariés de cette époque de s’interroger et de prévoir dès maintenant un plan B.

Enfin les mariages prévus à partir de cet été semblent pour le moment en mesure d’être célébrés. Mais ceux-ci nécessiteront sans doute des ajustements : nombre d’invités, présence des personnes âgées ou fragiles, venue des invités habitant à l’étranger et particulièrement en dehors de l’espace Schengen sont autant de questions qui restent en suspens et qui peuvent inciter les mariés à choisir de célébrer leur mariage à une date plus lointaine que celle initialement prévue.

DES SOLUTIONS À APPORTER AU CAS PAR CAS, DANS LE RESPECT DU DROIT, PAR UN DIALOGUE HUMAIN ET RESPECTUEUX

A ce jour nous recensons deux cas de figure dans lesquels les mariés souhaitent annuler ou reporter leur mariage :

Le mariage était initialement prévu pendant le confinement ou les mariages sont interdits. Dans ce cas, les mariés sont en droit d’annuler ou reporter leur mariage sans condition et en étant remboursés de toutes les sommes éventuellement versées à titre d’arrhes ou d’acompte. Comme nous l’avons vu, cela représente une perte sèche mettant en question la pérennité des métiers du mariage si le confinement se prolonge trop longtemps.

Le mariage est prévu après le confinement mais les mariés se heurtent à de grosses incertitudes (possible prolongement du confinement, aménagements à prévoir pour pouvoir maintenir la date prévue…) et préfèrent décaler la date de leur union au plus tôt. Dans le cas du versement d’un acompte et d’une réservation ferme par contrat, le professionnel est en principe habilité à réclamer l’intégralité du paiement de la prestation à ses clients. C’est une option exclue pour la plupart des mariés qui n’ont pas les capacités financières de payer des prestations en double.

Il est donc fondamental afin de maintenir le lien de confiance réciproque indispensable entre futurs mariés et professionnels de l’évènementiel de dialoguer et de trouver des solutions intelligentes et des compromis ménageant les intérêts de tout le monde. Ces solutions doivent bien évidemment être individualisées au cas par cas mais peuvent à mon sens se baser sur certaines idées fortes.

Dans le cas d’un mariage initialement prévu pendant la période de confinement, il est évident que le photographe de mariage a pour obligation de rembourser toutes les sommes déjà perçues à ses clients. Il appartient cependant aux mariés de faire preuve de discernement dans les modalités de report : choisir des dates auxquelles le prestataire initialement choisi est disponible, privilégier un mariage hors saison ou en semaine pour limiter le phénomène de “perte sèche” évoqué plus haut. Si aucune date commune ne peut être trouvée et que le prestataire est dans une situation précaire, pensez aux possibilités de transfert du montant de l’acompte en séance photo de couple ou de famille (avec éventuellement un beau livre de mariage que seuls les photographes professionnels peuvent vous proposer), et restez à l’écoute de ses propositions.

Dans le cas d’un mariage prévu après la période de confinement il me paraît important de ne pas se précipiter et de garder espoir au bon déroulé de la journée prévue. Annuler dès le 18 avril un mariage prévu fin juin est peut-être encore un peu précipité. Nous en saurons plus bientôt et un certain optimisme est un bon état d’esprit pour de futurs mariés. Cet optimisme n’empêche pas de se poser des questions et certains mariés préfèrent quand même reporter afin de ne pas risquer devoir aménager la journée de leurs rêves (limiter le nombre d’invités, se passer de certains proches, aménager la tenue de la cérémonie …) C’est hélas au vu des récents témoignages sur les réseaux sociaux les cas les plus conflictuels. D’un côté, des prestataires effrayés par le manque à gagner réclament à leurs clients le paiement de l’intégralité de la prestation à date prévue se sachant juridiquement dans leur droit. De l’autre, de futurs mariés ébahis par de telles demandes et trouvant incompréhensible de payer au prix fort une prestation qui ne sera pas réalisée. Il est du devoir de chacun de faire un pas vers l’autre afin de maintenir la magie d’une journée de mariage, fruit d’un équilibre ténu entre la confiance des mariés et l’expérience des professionnels. Cet effort réciproque ne peut trouver son expression que dans un dialogue ouvert et humain. Les mariés doivent témoigner leur confiance à leurs prestataires en faisant tout en leur pouvoir pour trouver une date qui leur convienne, de préférence à une période favorable (comme dans le cas précédent, hors saison de préférence). Les professionnels peuvent proposer des solutions raisonnables allant du dédommagement au remboursement si la date libérée est finalement réservée par de nouveaux clients et que le préjudice financier n’est donc plus d’actualité. Ce qui est une possibilité forte dans la mesure où nous espérons tous un fort redémarrage de l’activité une fois la crise passée.

La crise sanitaire nous a tous impactés et bouleverse profondément le monde du mariage. C’est par le dialogue et la mise en place de solutions concertées que nous en sortirons grandis. C’est aux mariés de considérer leurs prestataires comme des proches de confiance, de les écouter attentivement dans les choix liés à un éventuel report et de savoir rester un peu solidaires lorsque la loi les autorise à obtenir une compensation. C’est aux professionnels du mariage de passer du temps à accompagner leur couple, les aider dans l’organisation de leur joli jour et d’accepter de ne pas faire une aussi belle saison que pendant les belles années remplies de mariages.

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